Par Davide Moro
Bâtiment Stortingsbygningen du Parlement norvégien.
CREDIT: Dmitry Valberg (CC BY 2.0)OSLO — Les progrès technologiques sont parfois capables de transformer des articles ou des normes qui durent depuis longtemps (mais fonctionnent toujours) en vestiges obsolètes. En général, c’est le marché qui décide.
Quand il s’agit des normes de radiodiffusion, cela peut être différent. La télévision numérique terrestre a commencé comme un processus volontaire superflu et aujourd’hui la plupart des pays à travers le monde ont adopté l’idée de délaisser leurs actuelles émissions de télévision analogique, en les remplaçant par le numérique. L’idée de base derrière cette migration est la fois d’élargir le choix des consommateurs en ajoutant de nouveaux canaux et de libérer des fréquences pour une utilisation par les opérateurs télécoms mobiles.
En ce qui concerne la radio, jusqu’à récemment aucun gouvernement n’avait fait de déclaration ferme concernant l’arrêt des diffusions en FM.
Thorhild Widvey, Ministre norvégienne de la Culture, a fait bouger les choses en avril, quand elle a annoncé que le gouvernement fixait 2017 comme date « pour l’arrêt des stations de radio FM de la Norvège ». Environ 200 stations locales, principalement situées dans les petites villes et villages à travers le pays, resteront néanmoins sur la bande FM pendant au moins cinq années supplémentaires, à la fois pour éviter des coûts supplémentaires pour les stations et pour assurer un contenu régional.
Point de vue des consommateurs
Thorhild Widvey, Ministre norvégienne de la Culture.
CREDIT : Thomas Haugersveen/Statsministerens kontor Du point de vue des consommateurs, Ann Hege Skogly, Conseillère senior en communication au Forbrukerrådet, le Conseil des consommateurs de la Norvège, a expliqué que les consommateurs ont besoin d’être préparés et informés.
« Nos préoccupations étaient la prévisibilité pour les consommateurs et la sauvegarde de leurs droits. Nous ne détenons pas d’expertise technique aussi nous n’avons pas participé à cette discussion. Notre préoccupation c’est que le consommateur soit bien informé sur le processus », dit-elle. « Les magasins doivent informer le client que les récepteurs FM ne recevront que de petites stations de radio locales après l’arrêt. Si vous achetez maintenant une radio FM, et que vous ne receviez pas cette information, alors vous avez une raison de vous plaindre ».
Dans la Suède voisine, Riksrevisionen, le National Audit Office, a présenté un rapport au Parlement en avril avertissant d’éventuels risques dans le passage à la radio numérique. Selon le rapport, la transition prévue vers la radio numérique terrestre est « associée à des risques considérables, parce que les préparatifs du gouvernement pour la transition sont insuffisants, qu’il n’y a aucune perspective claire pour l’auditeur, qu’il y a des lacunes dans les évaluations techniques et que ce transfert n’est probablement pas rentable pour l’économie nationale ».
En outre, plusieurs institutions publiques et de nombreux intervenants de la radio en Suède ont répondu à une consultation publique présentée par le Ministère de la Culture, et aucun accord n’a été trouvé au sujet de la transition vers le numérique.
Selon Nina Wormbs, Professeur associée à l’Institut royal de technologie de Suède et conseillère du gouvernement : « La consultation a confirmé les différentes positions déjà exprimées dans le passé, sans nouveaux éléments notables, autre que l’exception faite pour l’éventuelle nécessité de gérer un recouvrement de spectre limité entre certaines fréquences sur la bande III utilisées pour la radio DAB et certains équipements militaires ».
Wormbs a déclaré que le débat sur la transition de la FM à la radio numérique est actuellement un sujet brûlant en Suède, mais les gens ne parlent que de la technologie, laissant planer le doute sur ce qui pourrait être la norme la plus performante.
Politiques des médias et démocratie
Nina Wormbs, Professeur associée à l’Institut royal de technologie de Stockholm.
CREDIT: Peter Mac Avock « Il n’y a pas de standard ultime et définitif », a ajouté Nina Wormbs. « De temps en temps un nouveau standard ou codec apparaît et remplace le précédent. C’est plus que juste une question de technologie et de normes. Je crois que nous devrions penser à la politique nationale des médias aussi ».
Nina Wormbs a dit que beaucoup de gens écoutent la radio sur Internet, mais qu’ils ne pensent pas à la façon dont le contenu leur arrive. « Si nous suivons la tendance de l’Internet et choisissons de tout acheminer via le Web, tout transiterait par une plate-forme unique. J’y vois un problème potentiel pour la démocratie ».
La Finlande a lancé le DAB en 1998, mais elle a été le premier pays au monde à fermer son réseau de radio numérique DAB en 2005. Actuellement en Finlande il n’y a pas de diffusions DAB.
Au Danemark, le 28 Avril, la Ministre de la Culture Marianne Jelved et les représentants des médias de tous les partis parlementaires ont conclu un accord, qui modifie la décision d’arrêter la FM.
Dans le cadre du nouvel accord, le pays prendra la décision d’éteindre toutes les bandes FM, une fois que l’écoute de la radio numérique aura atteint 50 %.
« L’arrêt de la FM est inévitable — mais nous avons besoin d’auditeurs. La question est de savoir quand cela se produira », a déclaré la Ministre Jelved. La transition au DAB+ est aussi en place, avec tous les canaux DAB qui seront convertis en DAB+ d’ici la fin 2016.
Alors que certains radiodiffuseurs publics et commerciaux allemands sont encore indécis, en novembre 2014, l’ARD, l’association des radiodiffuseurs publics s’est engagée à transférer la radio FM en DAB+, en soulignant que la phase de diffusion simultanée (FM et DAB+) devrait être maintenue aussi longtemps que nécessaire pour donner aux utilisateurs suffisamment de temps pour la transition, et devrait être aussi rentable que possible. Bien que les administrateurs de l’ARD n’aient pas publié une date précise pour l’arrêt de l’analogique, Willi Steul, Directeur de Deutschland Radio, a dit que cela pourrait se produire en 2025.
En Octobre 2014, l’État fédéral allemand de Saxe-Anhalt a approuvé une loi afin de conserver la diffusion en FM au moins jusqu’en 2025. Markus Kurze, Vice-président du groupe parlementaire de l’Union chrétienne-démocrate, a déclaré que cette décision « garantit que la radio FM… continuera à être un média populaire. Si la plupart des foyers utilisent la radio analogique alors ce moyen de radiodiffusion doit être maintenu ».
Royaume-Uni et Suisse
Ed Vaizey, Ministre britannique de l’Économie numérique.
CREDIT: Policy Exchange (CC BY 2.0) Au Royaume-Uni, le Ministère de la Culture Médias et du Sport a confirmé fin mars le renouvellement des licences de radio analogiques pour les trois réseaux commerciaux nationaux et plus de 60 stations de radio commerciales locales pour cinq années supplémentaires. Bien que cela ait été officiellement présenté comme une conséquence d’une récente modification de la loi en vigueur, les gens au fait de cette question disent que ceci est un signe que l’industrie de la radio et le gouvernement ne sont pas encore prêts au basculement vers la radio numérique.
« Nous croyons que ce changement important continuera à soutenir l’ensemble de la radio commerciale et à assurer la stabilité nécessaire pour le secteur dans son ensemble comme il se dirige vers un avenir numérique », a déclaré le Ministre britannique de l’Économie numérique Ed Vaizey.
La Suisse a choisi un modèle de transition volontaire. Selon l’Ordonnance sur la radio et la télévision adoptée en novembre 2014 par le Conseil fédéral, effective le 1er janvier 2015, les stations de radio locales peuvent cesser leurs émissions FM dans les zones où est assurée une couverture DAB+ efficace. Le 1er décembre 2014, les représentants du radiodiffuseur public SRG et les stations de radio privées ont présenté à la Conseillère fédérale Doris Leuthard une feuille de route pour cesser progressivement la diffusion FM. La transition de la diffusion radio analogique vers la diffusion numérique se déroulera en deux phases. D’ici la fin de 2019 toutes les stations FM devront également diffuser en numérique sur une plateforme DAB+.
À partir de 2020, la diffusion FM des stations de radio cessera progressivement, et de manière coordonnée. L’objectif de l’industrie de la radio locale est de cesser les diffusions FM analogiques d’ici 2024.
Davide Moro couvre l’industrie pour Radio World depuis Bergame, en Italie.