Par James Careless
OTTAWA — La Norvège a commencé à arrêter certains de ses émetteurs de radio FM, en les remplaçant par des diffusions audio numériques. Au cours de la prochaine année, les stations nationales et certaines stations commerciales locales du pays dans les grandes villes vont faire la transition vers les transmissions DAB uniquement. Les radios communautaires norvégiennes et les petites stations locales sont autorisées à rester sur la FM. Elles pourront y rester pour les cinq prochaines années, moment où le gouvernement de la Norvège examinera leurs licences FM.
Le siège social de la Société suisse de radiodiffusion à Berne, en Suisse.
Photo courtoisie de la Société suisse de radiodiffusion
La Suisse s’est également engagée à éliminer toutes les transmissions FM d’ici 2024, et les premières stations FM commenceront à éteindre leurs émetteurs dès 2020. Pendant ce temps, la BBC a présenté le 10 janvier un reportage « le Danemark et le Royaume-Uni envisagent également une extinction ». La Suède s’était engagée à éteindre la FM en 2022, mais le gouvernement a depuis abandonné le plan en raison de la pression du public.
De toute évidence, il y a une pression dans certains pays européens pour remplacer la FM au profit du DAB. Mais les critiques font valoir que l’ascension du DAB ne signifie pas que la FM européenne est condamnée.
La décision de la Norvège
La décision de la Norvège de fermer la FM et de la remplacer par le DAB a été annoncée par le pays il y a deux ans. « Le gouvernement a fixé une date pour l’arrêt des stations de radio FM de Norvège, après avoir conclu que les critères pour le changement de technologie sont maintenant atteints », d’après un communiqué de presse du gouvernement norvégien le 16 avril 2015.
Selon les critères de la Norvège, « la couverture des services de radio numérique de NRK (radiodiffuseur national norvégien) doit correspondre à celle du canal NRK P1 sur la FM. Le multiplex qui transporte des services commerciaux nationaux (Riksblokka) doit couvrir au moins 90 % de la population. « En outre, les Norvégiens devaient avoir accès à des « solutions abordables et techniquement satisfaisantes » pour la réception du DAB en voiture.
Si la Suisse poursuit sa voie, les récepteurs DAB remplaceront les radios FM d’ici 2024.
Photo courtoisie de la Société nationale de radiodiffusion suisse.
L’argent a été une raison majeure pour la Norvège d’opérer cette transition. « Le DAB est beaucoup moins cher à utiliser que la FM », a déclaré Andy Sennitt, conseiller stratégique retraité de Radio Netherlands Worldwide. « Vous pouvez obtenir de chaque site un éventail beaucoup plus large de services sans avoir besoin de nombreux émetteurs ».
Pendant ce temps, le passage de la FM au DAB a déjà apporté des avantages importants aux auditeurs de la radio en Norvège, a déclaré Mari Hagerup, responsable de la communication, des médias et des relations extérieures de Digitalradio Norge AS, la société norvégienne chargée de la mise en œuvre de la transition de la FM au DAB en Norvège. « En passant au numérique le nombre national de stations est passé de 5 à 30 », a-t-elle déclaré. « Toutes les nouvelles stations ont été lancées sur le DAB car le réseau FM n’a pas assez de capacité pour de nouvelles stations de radio nationales ».
« Soixante-dix pour cent de tous les ménages avaient une radio DAB au moment de la transition », a-t-elle ajouté, ce qui signifie que 70 % de la population de la Norvège écoutait déjà le DAB tous les jours au moment où l’arrêt de la FM a commencé. « Il y a encore des ménages qui ont besoin d’une mise à jour de leurs radios — mais la transition est arrivée progressivement », a déclaré Hagerup.
La décision de la Norvège d’éteindre la FM est mal accueillie par Norsk lokalradioforbund, qui représente les diffuseurs de radios locales du pays. En fait, quatre stations locales dans les plus grandes villes de Norvège protestent contre la fermeture imposée de la FM auprès de l’Autorité de surveillance EFTA (ESA), qui contrôle la conformité juridique de la Norvège aux règles de l’Union européenne.
« Le DAB a toujours été un avantage pour les grands acteurs et non pas pour la radio locale », a déclaré Svein Larsen, Président de Norsk lokalradioforbund. « Le public n’a jamais accueilli favorablement le DAB, car il est difficile pour les gens de voir quelle en est la valeur ajoutée par rapport à la FM. Plus de chaînes de musique pour les mêmes sociétés de radiodiffusion ne signifie pas une plus grande diversité des médias pour les auditeurs ».
Pourquoi la Suisse aussi
Niklaus Kühne, Responsable des communications techniques du département des opérations de la Société nationale de radiodiffusion suisse.
Photo courtoisie de la Société suisse de radiodiffusion
La Suisse a ses propres critères pour arrêter la FM en faveur du DAB, et la bande de radio numérique a satisfait à ces critères. « Il y a huit multiplex DAB+ en Suisse portant actuellement 127 programmes de radio », a déclaré Niklaus Kühne, Responsable des communications techniques du département des opérations de la Société nationale de radiodiffusion suisse.
« La couverture va de 70 à 99 %, selon le multiplex. SRG, le radiodiffuseur public national suisse, exploite quatre multiplex avec une couverture de 99 % ».
Quant à savoir combien de Suisses écoutent en DAB ? « Environ 70 % des récepteurs de radio vendus pour une utilisation à domicile et dans les voitures auraient déjà une réception DAB+ », a-t-il dit. « Nous venons de commencer une campagne nationale intensive de deux ans afin de faire monter ce chiffre ».
Étant donné le faible coût de la couverture radio DAB par rapport à son équivalent FM, le nombre de services supplémentaires que le DAB peut transporter par rapport à la bande FM, et le fait que l’audio numérique DAB offre une meilleure qualité que la FM analogique, la pression de nombreuses autorités de diffusion européennes pour remplacer la FM par le DAB est compréhensible.
Cependant, les auditeurs de radio européens ne partagent pas nécessairement cet enthousiasme. « Dans un sondage réalisé par le quotidien Dagbladet, environ les deux tiers des Norvégiens ont déclaré que le gouvernement agissait trop vite », a rapporté le site Web du journal The Guardian. « Une grande partie du débat portait sur les personnes d’un certain âge et leurs craintes d’être isolées faute d’avoir l’argent et le savoir-faire technique pour faire la transition. Les récepteurs DAB pour les foyers coûtent environ 1000 couronnes (145 US $) ». Le gouvernement norvégien ne verse pas d’argent pour aider ces gens à acheter des récepteurs DAB », a dit Hagerup.
Au-delà du coût et du choc technique de passer de la FM au DAB pour certains auditeurs, le fait que le DAB ait encore à reproduire de manière fiable la couverture de la FM en Europe est également une préoccupation pour les auditeurs de radio du continent.
« Ce que nous voyons en Europe à l’heure actuelle est le modèle du «léopard», également connu sous le nom «numérisation par taches» parce que certaines zones rurales et reculées manquent de couverture DAB adéquate », a déclaré Ruxandra Obreja, Présidente du consortium Digital Radio Mondiale, le groupe international de promotion du système de transmission radio numérique DRM. « Dans les zones urbaines construites, le DAB fonctionne, il est efficace et permet certainement d’économiser de l’argent », a-t-elle dit. « La question est de savoir si le DAB peut offrir le même service à tous les citoyens européens, peu importe où ils vivent, dans la France rurale ou dans une petite ville de Slovénie ».
« De nombreux pays européens mettent en place des réseaux DAB, mais cela n’a pas marché partout », a déclaré Sennitt. « En Finlande, le projet DAB a été abandonné car il n’offrait que les mêmes services que la FM à un débit plus élevé, ce qui signifiait effectivement une meilleure qualité audio. Mais ce seul élément n’était pas suffisant pour encourager les gens à acheter des récepteurs DAB. Il doit y avoir un critère commercial déterminant pour inciter les gens à mettre à niveau leur équipement, comme des services audio supplémentaires sur le DAB ne figurant pas sur la bande FM ».
Les petits radiodiffuseurs FM commerciaux et communautaires avec des budgets serrés ne veulent pas passer au numérique, parce que « le DAB est encore beaucoup trop cher pour les stations de radio les plus petites », a déclaré Nigel Peacock, présentateur et administrateur d’Eden FM Radio Ltd., qui diffuse sur 107.5 FM juste au sud de la frontière entre l’Écosse et l’Angleterre. « Le coût de transport sur les multiplex commerciaux dépasse largement les moyens des stations de radio communautaires comme la nôtre ».
« Il y a beaucoup de communautés rurales et urbaines mixtes, et des groupes d’îles, comme les îles Shetland à l’extrême nord de l’Écosse, où le DAB n’est pas une solution pratique et abordable pour une station de radio locale », a déclaré Ian Anderson, Directeur de l’ingénierie de la Shetland Islands Broadcasting Co (SIBC). « Dans le cas de la SIBC, au moins cinq, peut-être neuf, sites de transmission DAB seraient nécessaires pour donner aux îles Shetland la même couverture qu’un seul site FM ».
« Il a fallu de nombreuses années, mais le régulateur Ofcom et le gouvernement du Royaume-Uni ont finalement reconnu cette particularité physique », a ajouté Andersen. « La licence FM de la SIBC a donc été renouvelée pour 12 ans jusqu’en octobre 2028 ».
Ce n’est pas encore la fin de la FM
Le fait que le DAB ne soit actuellement pas rentable pour couvrir des régions éloignées comme les îles Shetland, plus la nécessité confirmée pour les services DAB nationaux d’offrir plus de contenu que la FM pour faire décoller les ventes de récepteurs DAB, signifie que le DAB n’est pas encore en passe de remplacer la FM dans toute l’Europe.
En outre, « la Commission européenne ne va pas imposer une solution numérique unique à l’ensemble des 28 pays de l’UE », a déclaré Obreja, qui a noté que la Commission européenne lui a récemment confirmé cela par écrit. « Elle laisse cela aux autorités nationales et à l’industrie. Parfois, le public est également impliqué, bien que ce soit un peu facétieux, car il n’y a encore eu aucune manifestation de rue dans les villes européennes réclamant la radio numérique ! ».
Pendant ce temps, de nombreuses stations FM commerciales à succès en Europe ne « voient pas un avantage dans la radio numérique, qui peut et devrait ouvrir la porte à de nouvelles stations, à la créativité et à de nouveaux contenus dans un contexte d’attribution des fréquences souvent saturée — contribuant ainsi à aviver la compétition en audience pour une tranche du gâteau publicitaire », a fait remarquer Obreja.
En conséquence, bien que des pays européens comme la Norvège et la Suisse aillent de l’avant pour l’arrêt de la FM, le média lui-même ne semble pas être condamné à l’échelle du continent, du moins pas dans un avenir prévisible.
James Careless couvre l’industrie pour Radio World, depuis Ottawa, en Ontario