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Défis pour les radios communautaires kényanes

Au milieu de l'adversité, le Kenya Community Media Network lutte pour ouvrir la voie aux stations en difficulté

Par Gregory Lagat

NAIROBI, Kenya — Les radios communautaires au Kenya sont parvenues à avoir une identité distincte des radiodiffuseurs privés commerciaux en 1998.

En dépit de leur proximité avec leur public cible et leur facilité d’adaptation à l’évolution des goûts, il est devenu évident que les limitations de ce secteur pourraient ne pas être seulement les contraintes financières, mais aussi le régime d’attribution et de réglementation des licences.

Debout à l’extérieur de la station de radio communautaire FM Koch dans le centre de Nairobi, la productrice senior fouille dans certains fichiers.

« Voici un exemple », dit Shiko, « où sommes-nous censés trouver l’argent pour payer tous ces frais et pénalités ? ».

Doreen prend une pause lors de l’émission ‘Wasanii Maskani’ (‘les artistes du quartier’) pour jeter un coup d’œil à ses messages téléphoniques.Où commencer

Le document que Shiko (son nom de radio) me montre est une mise en demeure juridique réclamant plus de 3 millions de shillings kenyans (environ 30 000 US$) pour les redevances de diffusion de musique de l’un des nombreux organismes de droits d’auteur émergents qui se sont positionnés comme huissiers de collecte des droits pour les musiciens et artistes de théâtre.

Alors que la Music Copyright Society of Kenya était le seul exécuteur juridique, les contestations judiciaires, et une corporation épineuse d’artistes ont fait émerger une multitude d’autres groupuscules, chacun envoyant aux stations de radio des factures réclamant les mêmes redevances avec une probabilité mince que les versements atteignent les bons destinataires.

Shiko ne semble pas surprise, ni même déçue par le contenu du document. Elle donne l’impression que la note restera dans le tiroir pour l’instant.

Visiter la station enfoncée dans les quartiers informels de l’Est de Nairobi est un voyage au cœur de l’abandon municipal, jusqu’à ce que vous atteigniez le conteneur d’expédition, acoustiquement rembourré et transformé en un studio de radio de deux pièces.

Tom Mboya, le directeur de la station, se trouve à Arusha, en Tanzanie, pour la couverture des élections nationales. Shiko et ses collègues, tous bénévoles, gardent la maison avec un soupçon d’insouciance géniale. Le personnel, qui compte environ 20 personnes y compris les stagiaires, fait marcher la station tous les jours de 6h00 à minuit avec un programme de nouvelles de la communauté, des demandes téléphoniques interactives, des événements extérieurs live et des programmes personnalisés pour la tranche des 15 à 35 ans qui représente quelque 100 000 auditeurs dans le région.

Le Kenya Community Media Network considère que les défis auxquels les radios communautaires sont confrontées sont énormes. KCOMNET, qui est géré par un conseil de vétérans des médias, a été créé en 2002. Ses domaines d’intérêt englobent le théâtre, les newsletters et les films, mais la radio communautaire est son secteur phare, et ses efforts se focalisent sur des stations comme Koch FM.

Le présentateur Koch FM Mbulo interviewe l’organisateur d’événements Cyprien Ogode dans l’émission ‘Janjaruka’ (‘Lève-toi’).Restrictions

Le coordinateur de l’ONG Njuki Githethwa attire mon attention sur la loi de 2013, Kenya Information and Communication Act, qui régit les règles de radiodiffusion. « Regardez les règles d’attribution de licences », dit-il, « elles sont soumises à la disponibilité de ressources en fréquences ».

Une des questions litigieuses de la loi du KICA soulevée en 2014 par la Media Owners Association of Kenya lors d’un procès en attente, était la formulation apparemment dénaturée de l’attribution des fréquences. Le procès devrait être examiné d’ici la fin de l’année.

Ceci est une conséquence du principe primordial du ‘premier arrivé, premier servi’, qui, comme beaucoup le pensent, a fait de la possibilité d’obtenir des fréquences dans les centres commercialement viables une loterie hasardeuse.

Toutes les fréquences sont tirées au sort, sans aucune allocation spéciale pour les communautés ni pour les groupes défendant des intérêts particuliers », déclare Githethwa. Après l’achat, certaines de ces fréquences sont stockées et revendues ouvertement par des spéculateurs entreprenants.

« Avec de telles fréquences excédant maintenant le prix recommandé de 300 US$ pour les stations thématiques, cet état de choses génère le deuxième problème accablant les radios communautaires », dit Githethwa. « Elles entrent dans la clandestinité, ne se font pas enregistrer par le gouvernement, même pas auprès de nous ».

En effet, l’incitation à enregistrer une station de radio communautaire diminue davantage compte tenu de l’obligation de présenter des plans commerciaux et techniques dans le cadre de la loi, avec en plus les taxes fiscales. Pour les stations en fonctionnement, les spots publicitaires commerciaux sont interdits. Des programmes sponsorisés sont autorisés, mais leur contenu doit être centré sur la communauté. La portée du signal de transmission radio ne doit pas excéder un rayon de cinq kilomètres.

Sans commentaire

Tom Olwero de la Communications Authority of Kenya s’est abstenu de tout commentaire sur les questions de licences, alléguant le prochain procès.

En 2004 et 2005, KCOMNET a aidé Radio Mang’elete, déjà installée, à s’enregistrer officiellement comme la première radio communautaire. En 2006, Koch FM, Ghetto FM, Pamoja FM et Sauti Radio ont emboîté le pas. Aujourd’hui, 16 stations sont enregistrées, ce qui est une goutte d’eau dans l’océan, selon l’organisation.

Même la répartition géographique des stations enregistrées est rigide, avec une majorité dans les villes et les zones urbaines, contrairement aux zones rurales où, ironiquement, leurs services sont le plus nécessaires. L’organisation affirme qu’elle tente d’aider ces stations par la création de contenu local, du réseautage et par le rappel des principes officiels.

En tant qu’ONG, KCOMNET n’a pas de pouvoirs exécutifs, et une grande partie de ses efforts sont limités à des initiatives consultatives. Avec des organisations comme la Ford Foundation, l’UNESCO, les ONG confessionnelles et les organismes gouvernementaux, elle organise des ateliers et des séminaires pour inculquer aux présentateurs « les valeurs du journalisme et les concepts juridiques ».

Avec les changements technologiques rapides dans l’industrie des communications, la radio arrive loin derrière dans la concurrence. Comme souligne KCOMNET, créer des flux de revenus pour les stations de radio communautaires semble être un enjeu difficile avec peu de résultats tangibles.

« Les modèles de génération de revenus ne sont pas fiables », affirme Githethwa, « le programme de soutien est irréaliste ». Les annonceurs institutionnels se tiennent à l’écart des stations, les petites annonces publicitaires, autorisées à l’antenne dans ces stations sont occasionnelles. Il explique que sur les partenariats de programmation, même les donateurs aidant les programmes de formation reviennent pour découvrir que l’animateur a été débauché par des radios commerciales.

Solutions possibles

KCOMNET pense que l’État, ayant le plus important budget d’annonceur, devrait adopter pour principe politique de concentrer environ 20 % de son budget publicitaire sur les radios communautaires. « Une dépense publicitaire de 5 000 US$ par trimestre pour une station communautaire peut faire beaucoup », souligne Githethwa. « Et c’est une situation gagnant-gagnant, étant donné que les communautés rurales et les populations à faible revenu sont beaucoup plus fidèles à la radio que la bourgeoisie urbaine à smartphone — ainsi le message restera ».

 Les fonds d’incubation du gouvernement régional comme Uwezo (pour les jeunes et les femmes) devraient également être ouverts aux collectivités désireuses de mettre en place des stations de radio, poursuit-il, faisant valoir que ces fonds créent de nouvelles possibilités d’emploi sous la forme de maisons de production artistique et musicale, dont le contenu sera utile aux stations.

Radio Mang’elete, par exemple, a reçu le soutien du Constituency Development Fund, qui finance habituellement les infrastructures scolaires et de la santé. « Les fonds sont là », dit Githethwa, « mais en l’absence d’un environnement propice et d’une législation politique, vous trouvez une approche ad hoc et partisane pour les distribuer ».

De telles initiatives sont ce que KCOMNET aimerait voir imiter, mais en dernière analyse, « tout se résume à l’agressivité et à l’ingéniosité des communautés », dit Githethwa.

Des fréquences dédiées sont un moyen d’arriver à générer des revenus, estime Githethwa. Les marchés traditionnels sont en baisse, mais des programmes nouveaux mis en valeur sur les médias sociaux promettent des rendements élevés pour ce qui reste, après tout, la plate-forme la plus populaire de la diffusion de masse. Ces opportunités doivent être exploitées, car alors seulement des stations telles que Koch FM seront en mesure de s’acquitter de leurs redevances.

 Gregory Lagat, consultant radio, couvre l’industrie pour Radio World depuis Nairobi, au Kenya.

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